Encore un autre ami, un autre voisin nous a quittés.
Un ardent défenseur de la musique gnaoua, le Marocain Nazir Bouchareb est parti lui aussi, retrouver des pâtures plus clémentes, le 8 juin dernier.
Encore une fois, le cancer a emporté un musicien montréalais de mouture internationale, un compositeur-interprète de haut calibre, dévoué au métissage culturel, à son art et à sa communauté, un ami, un père, un frère.
Il était de Rabat. Il avait 45 ans.
Il était arrivé à Montréal en 1992, avait fondé une famille ici. Avait lutté aussi, comme tous les artistes de musique du monde ici, pour vivre de son art, fonder des orchestres (Les Nomades, Salaam, Gnawa Dima), sortir des disques. Vivotant à l’aide de subventions, de participations aux festivals et d’enseignement, il avait dédié sa vie à faire connaître une forme musicale qui est un croisement entre la mélodie, le rythme et l’appel de l’au-delà : la musique transe, le gnaoua*.
Les artistes de musiques dites « transe » tels que le gnaoua et le rara haïtien, même la santaria de Cuba, le candomblé du Brésil ou la musique carnavalesque des Indiens Thchapatoulas de la Nouvelle Orléans se trouvent à parler la même langue sur des ondes mélodiques et des rythmes très différents mais qui se ressemblent dans leurs fibres essentielles, car elles proviennent de la même source géo-spirituelle : l’Afrique. Comme si, finalement, le chemin qui mène à L’Éternel était pavé de sons et d’émotions qui touchent cette même corde de l’âme qui soumet, tout un chacun, au-delà des croyances religieuses et des divergences politiques, à la même évidence.
Les morceaux dans lesquels je reconnais le mieux Nazir : Chadyé, et Le Blues de Marrakech.
http://www.myspace.com/gnaouamontreal
http://www.youtube.com/watch?v=0gEJu7gwXzo
(avec le groupe Salaam, Nazir Bouchareb au hajouj et André Désilets au saxo)
Salam, Nazir. Shokran.
SP
*Le gnaoua est un genre de musique sacrée issue des peuples noirs du Maroc, provenant du Ghana, du Mali, du Sénégal et du Soudan, anciennement soumis à l’esclavage. Le gnaoua est joué sur une gamme pentatonique (5 notes) et s’articule autour de quelques instruments seulement : le hajhouj, que jouait Nazir, un instrument à trois cordes taillé à même le figuier, le ganga, un tambour, et les crotales, sortes de castagnettes ou grosses cuillers.
Ces photos ont été prises par un photographe professionnel dont je ne me souviens pas du nom. Nazir me les avait confiées lors d’un travail de préparation de documents promotionnels que nous avions fait ensemble en 2004.
c’est la première fois que je google nazih bouchareb pour apprendre qu’il n’est plus nous étions dans la même classe à Rabat à la fin des années 80. Il était le plus beau garçon de la classe…
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Suis désolée de vous l’apprendre alors. Par contre, je suis heureuse aujourd’hui que vous veuillez partager ce petit souvenir d’antan avec nous. Nazih, ou Nazir comme il était connu ici, fut une figure marquante de notre petite communauté “world” à Montréal.
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Allah ira7mek ou i’wessa3 3lik (que Dieu ait pitié de ton âme) et t’accepte dans son vaste paradis grand frère, je n’oublierai jamais nos soirées et les spectacles que tu nous as offert tout au long de ton parcours musical. Tu nous manqueras beaucoup.
Et merci Sophie pour votre bel article, ce bel hommage que vous lui attribuez… Merci de tout coeur.
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Une nouvelle qui m’a attristé énormément. Tout mon amour et respect à Nazir et sa famille.
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Une bien triste nouvelle, c’est la perte d’un Artiste considérable…c’est injuste ! Nazir tu resteras toujours dans nos coeurs !!! RIP Nazir Bouchareb.
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I am in shock, we worked together in the past, great musician, and great person, always smiling and making people happy, rest in peace dear friend.
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je vis en France depuis de nombreuses années, bien avant que Nazih ne trouve son chemin vers sa terre d’adoption que le Québec a bien voulu être pour lui. Je garde de lui un sentiment étrange, confus d’une amitié forte pour quelqu’un que somme toute j’avais assez peu connu (l’espace de deux ou trois étés sur la Place Pétri à Rabat), mais avec l’étrange sentiment d’une communauté d’idées, de choses indéfinissables à partager. Nous étions alors de jeunes hommes qui se cherchaient; certains dans les études, d’autres dans la révolte, d’autres dans l’expectative…Nazih était dans le tumulte doux de l’attente qui sait que ce qui doit advenir de lui était quelque part devant lui, en attente de lui. J’aimais beaucoup ce garçon avec qui je me suis promené entre les rues de Rabat et Bouznika et Témara, des villes balnéaires qui jalonnent la côte entre Rabat et Mohammedia . Nous avions quelque chose de commun dont je ne sais encore rien aujourd’hui; si ce n’est que nous sentions l’un et l’autre que nous étions tous deux voués à aller vers des ailleurs pour y accomplir notre chemin. Le sien est parcouru pour ce qui est de ce que nous pouvons en percevoir; et sa contribution au rapprochement des personnes, des musiques et des mondes en restera une preuve indubitable pour les québecois et les marocains. Pour le vivant que je suis, tout reste à faire dans l’abandon de plus en plus grand chaque jour au fil des disparitions de ceux que l’on aime et dont on ne sait plus très bien si leurs pensées peuvent nous soutenir comme elles le faisaient probablement de leur vivant.
Nazih, mon frère tu as été pour moi de ces fantômes familiers qui nous aident à avancer car ils nous ressourcent.
Merci mille fois et à bientôt l’ami!
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